Une bonne perception de la substance de cet article suppose :
  • le téléchargement préalable des fichiers (et rangement quelquepart sur votre disque dur) :
    en raison du format audio sans concession employé, le volume des fichiers à télécharger est très important (135 Méga-octets au total, soyez patient !)
    (mot de passe, si demandé : buzz )
  • l'usage d'une chaîne de reproduction audio correcte, sinon les subtilités des échantillons sonores ne seront pas perçues.
    (les fichiers audio ".aif" se lisent au moyen de QuickTime Player ou Windows Media Player)

4 types de micros en test sur un piano :

Sennheiser 521 (dynamique)
Neumann U87 (statique large capsule)
Audio Technica (électret petite capsule)
Beyer M160 (dynamique à ruban)

Tout d’abord, afin de définir quel est le micro le plus adapté à la situation, il convient de connaître la référence, c’est à dire, l’instrument à enregistrer.

Afin de se rapprocher au mieux du son original de ce piano Yamaha C5 accordé mais non harmonisé et réglé, il faut impérativement avoir le son de ce piano dans l’oreille, pour cela, il faut demander au pianiste de jouer certaines notes et certains accords dans différentes parties du piano, pour en mémoriser les particularités et le grain.

Ceci est indispensable pour un mixage futur si on désire s’approcher au mieux du son original de l’instrument.

Comme dans un premier temps, il s’agit d’un test de micros, j’ai placé les 4 micros au même emplacement, et branchés sur le même préampli afin de les enregistrer en simultané.

PianoPhoto1
PianoPhoto2
PianoPhoto3


Ensuite, j’ai joué certaines notes par séries d’une ou deux ou trois, et j’ai ainsi réglé le préampli pour que chaque piste ait la même dynamique et éviter ainsi les saturations.

Une fois le niveau de chaque micro défini, sans compresseur, limiteur ni équalisation, j’ai enregistré 3 séries, la première avec des notes seules et accords simples, la deuxième avec des accords plus élaborés et surtout sujets à « frottements » et la troisième avec de petits morceaux de jeu complet.

Sur la première série, chaque changement de séquence des 4 micros n’est pas signalée, sur les 2 autres enregistrements, un bip sépare les changements de séquences.

Voici les trois séquences :
  • piano1.aif
  • piano22.aif
  • piano33.aif
Bien entendu tout a été enregistré en simultané puis découpé afin de mettre les prises à la file et ceci par échantillon, l’ordre étant celui du début de cet article, par exemple le premier Do grave est enregistré sur le Sennheiser, puis le même sur le Neumann et ainsi de suite, ce qui permet d’avoir les 4 micros à la file sur chaque échantillon.

Dans ce test, il n’est pas question de faire la meilleure prise possible, mais seulement de définir les qualités des micros au même emplacement dans la même situation, en l’occurrence à 1 mètre du piano, ouvert, donc avec un son direct de la table d’harmonie, mais aussi avec le son réfléchi par le couvercle et, éventuellement le son de la pièce.
Ces enregistrements sont monos.

Connaissant parfaitement le son de ce piano, il apparaît clairement que les micros les plus proches de la réalité sont, en tout premier le Neumann U87, puis le Beyer M160 à ruban, l’électret Audio Technica , et les Sennheiser 521 en dernier.

Il n’est pas question ici du son que l’on préfère, mais bien du son le plus proche possible de l’original.

Le Neumann capte l’ensemble de la sonorité ainsi que celle de la pièce, avec une profondeur, une grosseur et un moelleux exceptionnel, sans parler des nombreuses harmoniques générées par la table d’harmonie qui n’est pas encore réglée.
Bien entendu, le préampli est réglé sur une valeur faible +16dB due à la grande sensibilité de ce large capsule.

Le Beyer M160 est assez proche avec une très légère tendance à accentuer les fréquences plus hautes, ce qui est facile à corriger au mix, quand on connaît le son original, car la totalité du spectre est présente, ce sont d’ailleurs ces micros que j’ai choisi pour la deuxième partie de l’article concernant la prise de son réelle et les éventuelles corrections. Le préampli est réglé sur +32 dB, les micros a ruban délivrant toujours un signal très faible.

L’électret Audio Technica a une fâcheuse tendance à mettre très en avant les bas médiums et à réduire légèrement les hautes fréquences. Réglage préampli à +26db.

Dans le cas de ces 3 micros, il est possible de corriger à l’équalisation dans la mesure où la presque totalité du spectre est bien présente.

Le Sennheiser par contre donne un son très différent de l’original, même si il peut en séduire quelques uns, à croire que ce micro invente des fréquences n’existant pas, beaucoup d’aigus et un vrai manque de définition non rattrapable par le mixage. Réglage préampli à +41dB.

Il s’agit d’un dynamique qui réagit assez durement et lisse les nuances, comme la plupart des dynamiques, dans la mesure où il s’agit d’une bobine et d’un aimant sur le même principe qu’un HP, un HP peut d’ailleurs servir de micro… pour rire.

D’autre part, le dynamique ne prendra pas ou peu le son de la pièce, ce qui est un avantage sur scène mais pas en prise de son, par contre, certains dynamiques dédiés sont parfaits pour la reprise d’instruments percussifs, à condition de les doubler avec un statique qui captera les harmoniques et le son ambiant.

Vous pouvez constater ici :


les différences considérables de captation des échantillons au vu des courbes ci-dessus, en haut le Sennheiser, et toujours le même ordre ensuite, vous remarquerez par la même occasion la similarité entre le Neumann U87 et le Beyer M160 qui est la traduction logique de la similarité à l’oreille.

Je vous conseille d’écouter les prises au format original AIF en 16bits et 44,1khz, format du CD (lisible avec Quick Time sur les Mac et PC), et si possible sur un bon système d’écoute, en évitant les HPs de votre ordinateur portable…

La conclusion est simple, pour avoir le maximum d’informations le Neumann et le Beyer sortent largement gagnants, ce qui est absolument logique au vu de la qualité et du prix de ces micros.

L’Audio Technica s’en sort assez bien à condition de le corriger considérablement, mais le Sennheiser n’est pas utilisable raisonnablement en prise de son à distance, mais sera parfait pour une caisse claire ou éventuellement la reprise d’un HP qui, lui même, a considérablement transformé le son original (ampli guitare par exemple).

J’ai aussi fait le test avec d’autres dynamiques comme les CM58, beta 58 et beta 57 Shure qui donnent des résultats similaires.

En fait, les dynamiques à bobine sont assez brutaux et assez peu fiables sur les transitoires, ils feront des micros de prise de son de répétition ou amateur corrects mais ne sont pas envisageables pour l’enregistrement de qualité professionnelle destiné à être masterisé et publié.

Pour information, j’ai utilisé un préampli TLA à lampes de qualité acceptable mais sans plus, car les Avalons montraient encore plus de différence entre les micros, mais sont inabordables pour les amateurs.

Un Neumann U87 et un Avalon mettent la note à plus de 6000 euro le micro alors qu’avec un TLA à 4 entrées le prix de revient est inférieur à 3000 euros.

Je conseille fortement les Beyer M160 dont le prix avoisine 500 euros le micro, et avec un set de 4 micros et un TLA à 4 entrées, on peut déjà envisager le travail professionnel à un prix raisonnable.

Avec Neumann et Avalon, 4 micros = 24000 euros ; Avec Beyer M 160 et TLA, 4 micros = 2500 euros, soit 10 fois moins cher.

Les Audio Technica et Sennheiser ne seront pas améliorés par un Avalon, ni vraiment par le TLA, ils feront parfaitement l’affaire sur une table de moyenne gamme ou une carte son type Motu Traveler qui a déjà de très bons préamplis et permet l’alimentation phantom en 48 volts avec commutation séparée par voie (indispensable aux statiques et électret non auto alimentés par pile comme l’AT).

Attention toutefois a ne pas envoyer du 48v phantom dans un ruban, comme le M160, cela peut causer de gros dégâts, par contre, aucune importance pour les Sennheiser et autres dynamiques à bobine, et, sur certaines consoles qui activent le 48v par tranche de 8, on peut y intercaler un dynamique à bobine sans risque (par exemple le set batterie qui alterne dynamiques et overheads statiques).

Bien sûr il existe quantité d’autres micros excellents comme Schoeps ou même certains Oktava, les AKG 414 etc etc… mais il faudrait plus de 100 pages pour en faire le tour, tout en sachant que le placement est lui aussi capital pour le rendu correct d’un bon micro, ce que nous allons voir dans la suite de l’article avec la prise de son d’un piano demi-queue Yamaha C5 par des Beyer M160 préamplifiés par Avalon VT 737SP.






Attention avec les micros à ruban, qui possèdent une pastille rouge à placer au dessus, afin de mettre le ruban en position verticale.
Ces micros ont un défaut, ils sont très fragiles et doivent être manipulés avec précaution, le moindre coup pouvant endommager définitivement le ruban.

Le placement des micros dans un piano doit tenir compte de plusieurs paramètres, commencez par repérer l’endroit où les cordes graves croisent les cordes médiums car c’est au dessus de cet emplacement qu’il faudra mettre le premier micro.

micro #1


Ensuite, placez le deuxième micro à une distance un peu plus grande des cordes dans la partie aigüe tout en prenant soin de ne pas croiser les cardioïdes sous peine d’opposition de phase (les M160 sont des hyper-cardioïdes).

micro #2


Un piano produit des harmoniques sur toute la table, et celles captées par les deux micros risquent de s’annuler en partie, voilà pourquoi, j’ajoute en général un troisième micro sous le piano ou bien au dessus de la table, afin de récupérer certaines « pertes », mais ceci n’est pas indispensable et ne sera pas traité aujourd’hui.

Vous remarquerez que le cadre du piano comporte des ouïes, et que dans certains cas où les bruits ambiants ou les autres instruments sont positionnés à coté du piano, il peut être intéressant de capter le son directement au dessus des ouïes et à très faible distance, pour éviter les "repisses" du reste de l’orchestre.

Là aussi, un troisième micro placé très proche des ouïes en complément, peut sauver certaines situations.

Lors du mixage, ne mettez pas les pan à plus ou moins de 45°, au risque d’avoir un trou dans le son central, les pan à fond à gauche ou à droite, c’est très bien pour la sonorisation de fest-noz mais pas dans un mix sérieux.

Un piano n’est pas stéréo, il faut le considérer comme un seul HP d’une taille de 2 à 3 m2, qui diffuse un son partant d’un point et s’élargissant en forme de triangle, puis qui se réfléchit sur les parois de la salle.

Dans le cas d’une pièce de moins de 100m2, il est conseillé de recouvrir le piano avec des couvertures de laine, afin de ne pas diffuser ou récupérer le son réfléchi, il sera toujours temps ensuite d’appliquer un petite reverb correspondant à la pièce simulée souhaitée.

Voici donc deux fichiers audio sans mix ni correction,
  • pianostereo1.aif
  • pianostereo2.aif
j’ai un peu appuyé sur la pédale forte pour bien faire ressortir les harmoniques de la table, et n’ai pas fignolé la musique elle même puisqu’on parle ici de prise de son.

Enfin, petit conseil de base, n’appliquez pas des réverbérations différentes sur chaque instrument, préférez la reverb générale dans les cas de prises acoustiques, sinon, l’auditeur aura l’impression que les instruments n’ont pas été enregistrés dans la même pièce.

Encore une fois, nous sommes là dans une configuration purement acoustique qui ne vise qu’à obtenir le son le plus proche possible de la réalité, ce qui est de toute façon le plus difficile et le plus délicat dans la prise de son.

Bien sûr, certains musiciens ou preneurs de sons utilisent souvent cette horrible phrase « on verra au mix » mais sachez qu’un mix se basant sur des infos transmises par des micros moyens et avec des placements discutables, ne rattrapera jamais les erreurs.

Un mauvais son envoyé dans un bon micro, restera un mauvais son, par exemple, une batterie qui sonne comme une casserole n’aura jamais le son de Steve Gadd au mix, même avec les meilleurs micros du monde les mieux placés possibles, et par conséquent, avec des microphones moyens, cela ne fera qu’accentuer les défauts du son original, aussi pourri soit-il.

On peut obtenir des résultats acceptables sur des instruments à spectre étroit ou très dynamiques sur toutes les fréquences, comme la trompette ou une cabine Leslie 122, en plaçant les micros au plus près, mais cela impliquera aussi la prise de tous les bruits non souhaitables qu’il sera quasi impossible de supprimer ensuite, sans enlever certaines fréquences qui par la même occasion disparaitront aussi du son original.

En résumé, larges capsules statiques ou rubans vous donneront un enregistrement très fiable de la réalité, que vous pouvez ensuite traiter selon vos goûts, et en n'oubliant jamais que la correction d’un instrument en solo ne préjuge pas de sa présence au mix, et qu’il faut impérativement corriger certaines fréquences d’autres instruments quand on touche à l’un d’eux.

Un piano parfait en solo, pourra avoir un son catastrophique une fois réintroduit dans l’orchestre, car il aura quelquefois un son extra-terrestre qui n’a plus rien à voir avec l’ensemble.

La conclusion est qu’il faut savoir investir dans du matériel adéquat et ne jamais oublier que les bécanes et cartes sons ne sont que le dernier maillon de la chaîne, les premiers et les plus importants étant micros et préamplis.

Ensuite, ce sont les convertisseurs A/N (analogique-numérique) pour lesquels les Apogee sont de loin les meilleurs , le reste n’est qu’interface graphique et HD (disque dur) ; les plug-in des différents softs de mixage devront, enfin, faire l’objet d’une attention particulière si on les utilise plutôt que du hardware, ceux fournis avec Logic Pro et Nuendo ainsi que Pro Tools étant remarquables, beaucoup d’autres, n’étant que des joujoux à trafiquer le son à la maison… ils font beaucoup d’effet, mais pourrissent souvent le son original.

Une bonne prise de son de départ permettra un mixage rapide et de qualité sur lequel on appliquera aucune compression et seulement un peu de réverbération (et encore, selon la pièce) car, moins on ajoute d’effets, de compresseurs, de limiteurs divers, plus le son naturel sera ample et de réelle qualité acoustique.

Pour les fans d’Hammond qui sont nombreux ici, pensez que le simple déplacement de votre cabine Leslie de quelques degrés, changera totalement votre perception du son de l’orgue et que la position derrière soi (à une distance minimale de 1m50) est encore le plus sûr moyen d’entendre ce que le public ressentira, c’est donc dans cet esprit qu’il est de bon aloi d’enregistrer un Hammond.

D’ailleurs, à ce sujet, je suis de plus en plus partisan de l’enregistrement à 2 micros, un pour le haut et un pour le bas quand la cabine est en slow ou en fast, et pour l’ajout d’un Neumann U67 ou 87 face à la cabine mais à 1m50 pour récupérer le son droit dans l’ambiance, car sur les anciennes cabines, la trompe qui diffuse s’arrête rarement devant le micro.

N’oubliez pas que sur les 2 trompes, une seule diffuse, l’autre étant simplement destinée à l’équilibrage lors de la rotation.

J’espère vous avoir apporté quelques conseils qui vous seront utiles pour vos future prises de son, ou pour vérifier le travail de l’ingé-son, dans le studio où vous enregistrerez.

Il serait dommage de faire sonner un Steinway B comme un Petrof, ou un B3 avec 122 comme un B4 en line-out.

Enfin, à ce jour, et concernant l’orgue, je dois signaler que le KeyB dernier modèle permet en line-out des prises de son exceptionnelles, qu’il est bien difficile de différencier d’un vrai B3 avec 122, néanmoins je continue d’enregistrer ces orgues sur une vraie Leslie 3300 avec deux M160 à rubans et un Neumann U87 d’ambiance… à l’ancienne, pour récupérer une partie du son du local qui donne plus de vie aux enregistrements.

Bons enregistrements, et n’hésitez pas à poser vos questions pratiques dans les commentaires, ou sur les sites sur lesquels j’interviens régulièrement.

Bruno Micheli