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juillet 2009

L'ami des organistes   

Juste sorti, à peine sec, voici l'album du guitariste canadien Jake Langley "Here and Now".



"Ami des organistes" ? Si Jake Langley a l'occasion de se produire avec divers noms réputés, ses contributions "enregistrées" sont (pratiquement) toutes aux cotés de l'orgue.

Jugez-en plutôt, sous son nom :

d'abord avec Doug Riley (RIP) :

(épuisé)

puis avec Joey DeFrancesco :
  


et aussi sous la bannière "Joey", il joue dans :

  


Pour en revenir à notre CD "Here and Now", l'orgue est cette fois-ci aux mains de Sam Yahel. Donc maîtrise, calme, concentration, conduisent le jeu. Auquel se plie Jake, qui mise sur sobriété et efficacité. Pas une note de trop, et même l'emballage Digipack se limite à l'indispensable.

Quelques mesures du titre 1, qui donne son nom à l'album, Here and Now :


Enregistré en un jour fin 2008, produit et distribué par Jake Langley (Tone Poet Production)

de notre envoyé spécial...   



Zottegem est une petite ville paisible de quelques milliers d’habitants, située en Flandre orientale entre Gand et Bruxelles : à première vue, rien ne la prédisposait à la tenue du Hammond Jazz Festival qui s’est déroulé sur son territoire le 12 juillet dernier. Et quel festival ! Qu’on en juge, Dirk Van der Linden, Carlo d’Wys, Barbara Dennerlein et Rhoda Scott se partageaient l’affiche, avec en prime quelques invités prestigieux venus de France et d’Amérique, tels que Jimmy Molière (guitare), Dany Doriz (vibraphone) et Hilde van Hove (vocals). Les concerts avaient lieu sous un chapiteau ultra moderne ouvert sur 3 côtés et d’une superficie totale d’environ 2500 m², et installé dans le parc jouxtant le château d’Egmont, en plein centre ville.

Tout ce beau monde s’est retrouvé là à l’initiative de l’échevin de la culture qui, impressionné par une émission de télévision au Canada présentant simultanément 4 organistes [*], a décidé d’organiser une manifestation similaire dans sa ville. Excellente idée qui a permis de fêter dignement le 75eme anniversaire de l’orgue Hammond, dont la 1ere apparition sur la scène musicale date de 1934… !

Particulièrement impressionné par la qualité des prestations musicales, je vous parlerai en premier lieu du programme et ensuite des aspects techniques, étant chargé de la prise de son de l’événement.

Tout festival qui se respecte dispose d’un Master of Ceremony (MC) chargé de présenter les artistes et d’assurer la fluidité des transitions : ce délicat office fut rempli avec brio et humour par Dirk Van der Linden, organiste réputé et animateur du festival, qui a inauguré la soirée dès 19h à la tête de son trio composé également de Swa Mercelis (g) et Dirk Dergent (dms). Ces trois compères jouent ensemble depuis... très longtemps et c’est immédiatement audible : mise en place parfaite, connivence, coordination : ça swingue dur ! On a droit notamment à Back at the chicken shack, Georgia, I only have eyes for you, All blues... avec la participation inspirée de la chanteuse Hilde van Hove. Arrive alors l’invité Jimmy Molière, guitariste américain né à la Nouvelle-Orléans et qui s’intègre brillamment au trio en nous offrant deux standards allègrement enlevés : Fly me to the moon et Coming home baby de Herbie Mann. Énorme succès, ovation du public, électrisé par ces performances de très haute tenue où rôde constamment l’ombre du grand Jimmy.

Dirk Van der Linden quitte son Hammond XK-3/Leslie 3300 pour présenter l’organiste n°2 Carlo d’Wys. A la vue du set-up, on sent qu’on va entendre des choses inhabituelles : B3 (ou A100) tout noir, bardé de prises midi, d’écrans et de claviers auxiliaires et raccordé à une Leslie 147 également noire.
De fait, la première pièce, judicieusement nommée Something’s going on, nous plonge dans un autre univers, celui de Keith Emerson, d’Al Kooper, de Walter J. Frog. Le phrasé très particulier, haché, avec des sonorités très stridentes et des basses extrêmement présentes, agressives, montant presque jusqu’au bas medium, avec la distorsion caractéristique du bon vieux Dirty Hammond… Bref on bascule dans le domaine du pop-rock auquel je suis moins sensible, mais le public reste enthousiaste et gratifie Carlo d’applaudissements nourris : Spirit, Mister mister et Soul for E, clôturent cette prestation intéressante.
Il faut souligner l’extraordinaire versatilité du guitariste Swa Mercelis qui passe d’un style Kenny Burrell avec Dirk Van der Linden à l’esthétique Jimmy Hendrix ou Santana avec une aisance déconcertante, idem pour l’excellent batteur Dirk Dergent, aussi efficace sous cet éclairage différent.

Retour de Dirk Van der Linden pour présenter un autre invité surprise, le chanteur de variété Eddy Wally, venu faire une petite excursion dans le monde du jazz en duo avec Hilde van Hove. Très bel accompagnement du trio Van der Linden dans I left my heart in San Francisco.

Et voici qu’enfin Dirk nous annonce l’arrivée de Barbara Dennerlein, accompagnée de son batteur Marcel Gutschke. Très élégante et souriante, Barbara s’installe à l’un des deux tout nouveaux new B3 trônant sur scène à l’aspect futuriste et adresse quelques mots chaleureux au public ; le set démarre sur les chapeaux de roue avec des originaux de Barbara elle-même. Une fois n’est pas coutume, ces pièces ne sont pas un vague assemblage de riffs succincts, prétexte à des développements mécaniques souvent laborieux : nous avons affaire ici à de véritables compositions avec des thèmes mélodiques élaborés, des harmonies audacieuses et des rythmes inhabituels, sans parler des couleurs introduites dans le jeu. Défilent successivement Easy going, I797, Going home, Organ Boogy, Make it spicy et That’s me. Enthousiasmant : le public exulte et ovationne longuement Barbara.

Et voici enfin la 4eme organiste présentée par Dirk, Rhoda Scott accompagnée à la batterie par Félix Simtaine. Je connais Rhoda depuis au moins 35 ans et reste toujours sous le charme de son sourire, de sa bonne humeur, de son drive, de sa musicalité... cette fois encore le charme opère. En outre, c’est avec elle que j’ai réalisé ma première prise de son avec un B3, ça vous marque un homme… !
Programme habituel de standards jazz et autres, joués avec la fougue et la maestria habituelles avec une autre surprise à la clé : la participation du vibraphoniste Dany Doriz. Les sonorités du Hammond et du vibraphone s’associent à merveille : le côté percussif de l’un ressort bien sur les accords tenus de l’autre et, avec une virtuose du pédalier comme Rhoda, c’est évidemment… le pied ! Notons en particulier Misty et Take the A train. Le public composé de plusieurs centaines de personnes est chauffé à blanc et laisse éclater son enthousiasme à l’annonce par Dirk Van der Linden du point d’orgue (!) de la soirée, le duo Rhoda + Barbara accompagnées du batteur Marcel Gutschke… les 2 new B3 et leurs Leslie 760 crachent le feu sur Funkish : quelle ardeur, ces deux femmes maîtrisent totalement l’instrument et rivalisent d’inventivité, c’est véritablement enthousiasmant et le public hurle sa joie.

A l’issue de ce feu d’artifice, on s’apprête à reprendre pied dans la réalité, mais voici que Dirk et Rhoda nous annoncent un final éblouissant, les 4 organistes, accompagnés de Marcel Gutschke et de Dany Doriz, vont se produire ensemble sur la scène. Une série de 4/4 entre organistes et Dany Doriz, permettent à nouveau de recaler le style de chacun dans une autre pièce de Barbara, Yes or no, avec d’étourdissants solos de pédaliers. Une jam sur Let the good times roll, avec la participation du chanteur organisateur, Chris de Braeckeleer.

Au terme de cette journée hors du commun qui restera marquée d’une pierre blanche dans la mémoire des fans, on retiendra évidemment l’extraordinaire professionnalisme de Barbara et de Rhoda, chacune dans leur idiome particulier, mais encore l’excellente prestation et la polyvalence du trio Dirk Van der Linden qui a assuré avec brio la continuité de la journée.

En charge de l’enregistrement audio du festival, je suis arrivé sur site la veille pour constater que l’installation de Public Address occupait la scène depuis quelques temps, l’animation musicale s’étalant sur une période de plusieurs jours. Une bonne vingtaine de microphones quadrillant la scène, il eût été navrant d’installer en sus mes propres micros de prise de son et je décidai de trouver un compromis avec l’ingé-son du PA pour utiliser au moins une partie de son équipement. A priori, cette idée ne m’emballait guère : on connaît la spécificité d’une prise de son PA rapprochée, tenant compte des caractéristiques des haut parleurs et de la salle, ou de l’espace ouvert dans le cas présent, mais également du son direct des instruments sur scène, ce qui est la plupart du temps incompatible avec une prise de son destinée au CD, par exemple. Fort heureusement, nos approches ont paru très proches et la versatilité de la table de mixage Soundcraft VENUE II et l’excellente collaboration de la firme LucaSound a permis des ajustements qui ont abouti à un compromis de bonne qualité. A preuve, il ne subsistait guère de différence d’image entre le son ‘sortie vers le DAT’ et le ‘son des haut parleurs’, hormis bien sûr la signature sonore des HP. Une bonne séance de mastering apportera la touche finale à un travail que j’espère satisfaisant. Je profite de l’occasion pour saluer au passage l’ingé-son Rudy de la société LucaSound, homme plein de ressources.

En gros, j’ai récupéré un signal mixé mais avant toute correction d’égalisation, effets, compresseurs etc. En outre, l’architecture de la table a permis l’introduction de quelques micros d’ambiance bien disposés pour une meilleure aération du son enregistré ; de légères corrections sur les canaux entrants restaient possibles (+/- 2db) pour obtenir un matériau brut de très bonne qualité susceptible de se prêter correctement aux opérations de mastering.

Question microphones, nous avons utilisé exclusivement des électrodynamiques, ce qui est préférable en extérieur, mais aussi en raison de la densité et de la proximité des équipements électroniques (guitares, Leslies) .

Pour toutes les Leslies : 2 x SM 57 pour la trompe, 1 x DM 112 pour le rotor de basses.

Pour la batterie : 2 x Sennheiser 3000 pour cymbales, 1 x SM57 pour snare et 1 x DM112 pour la grosse caisse.

Injection directe pour les amplis de guitare + SM57.

SM57 pour les vocals et les micros d’annonce.

Micros d’ambiance dans le public et à proximité de la scène 2 x SM76 et SM53.

Le vibraphone a uniquement fait l’objet d’une prise par injection directe et l’absence d’un microphone de proximité se fait cruellement sentir au niveau des aiguës : ça pourra éventuellement se corriger au mastering, mais c’est dommage…

Les sorties Soundcraft + les 4 micros d’ambiance repassent par mon propre mixer pour un enregistrement 16 bits DAT SONY 2300.
Monitoring avec casque Sennheiser HD25.

Les haut parleurs du système PA sont des JB System QSC WhiteLine 8.
Les amplis de puissance sont également des QSC.
Les racks d’égalisation et d’effets sont principalement de DBX Systems

En guise de conclusion, voila un festival qui a largement rempli son contrat en présentant des artistes de tout premier plan dans une organisation sans faille. Le public très nombreux s’est montré particulièrement réceptif et on peut féliciter les organisateurs de ce très gros succès. Cerise sur le gâteau, l’entrée était totalement gratuite, hé oui…vous savez ce qu’il vous reste à faire l’an prochain.

Quelques souvenirs :

un extrait de chorus de Dirk Van der Linden :


Dirk VDL


le diva's summit - à gauche : Rhoda, à droite : Barbara :


Rhoda
Barbara


Les photos ci-dessus (c) sont de Frank Jacobs ( www.cityplan.be ) que nous remercions.

[*] le fameux concert de Toronto en 2006, managé par l'infatigable Paul Schaffer, une vidéo incontournable 4xB3 for The Cat.

NDLR : Michel Devos est ingénieur du son, il opère principalement sur le bénélux. Remarquable pour sa compétence et sa modestie, il a aujourd'hui une solide expérience de l'orgue Hammond.

L'enregistrement du piano   

En préalable à l'enregistrement de l'orgue (qui n'est, en simplifiant, que l'enregistrement d'un haut-parleur), retour aux fondamentaux : l'enregistrement du plus exigeant des instruments acoustiques.

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