Après un parcours déjà riche en studio et sur scène, Matthieu Marthouret nous propose aujourd'hui son second album entièrement "sous son nom".
A l'orgue, bien sûr.
Avec les musiciens qui l'entourent habituellement sur scène.
Il a accepté de répondre aux questions de Hammond'n'Buzz.
Sincérité, modestie, intransigeance.
###Ham'### > Au moment où la profession subit l'effondrement des résultats de la distribution musicale, toi tu fais un nouvel album ; qu'en espères-tu, et comment le finances-tu ?
Matt' >>> Ce disque, mon deuxième en leader, est dans la suite logique du travail effectué avec mon groupe Organ Quartet depuis presque 4 ans maintenant.
Depuis son enregistrement en mai 2011 jusqu’au pressage il s’est déjà écoulé neuf mois. C’est un long processus qui demande un investissement personnel important, beaucoup de patience et de motivation.
Pour moi les motivations pour mener à bien ce projet étaient d’une part de « finaliser » le travail régulier de composition, le processus créatif depuis la formation du groupe : en d’autres termes, établir une « photographie » de l’univers musical du moment à travers ces neuf nouvelles compositions condensées en 50’ de musiques.
D’autre part, pour faire vivre un projet musical, trouver des engagements, il est nécessaire d’avoir des arguments, une «actualité» : la sortie d’un nouvel
album en est un, certes "contraignant" et coûteux, mais efficace.
Pour Upbeats, j’ai signé un contrat de licence avec un label indépendant allemand (Double Moon Records, filiale de Challenge Records int.).
Ce contrat me permet de bénéficier de son réseau de distribution dans plusieurs dizaines de pays (principalement en Europe mais aussi potentiellement au Japon ou aux Etats-Unis). Je préserve une liberté artistique totale, car la signature avec le producteur se fait en général une fois que la musique est enregistrée. Je fournis le «master » (le cd mixé et masterisé) dont je reste propriétaire, et ensuite c’est le label qui s’occupe de la fabrication, des formalités administratives, de la distribution et de la communication.
Les droits d’auteurs, les recettes des ventes et la durée du contrat sont ensuite partagés et négociés au cas par cas.
Bien sûr cette liberté artistique a un coût non négligeable: celui de la production jusqu’au pressage (studio, mixage, salaires etc..), à chacun de s’arranger pour trouver les meilleurs outils en fonction de ses finances, parfois à l'aide de subventions…
Sachant qu'aujourd’hui, avec l’effondrement du marché du disque, il devient très difficile de rentabiliser avec les recettes des ventes, cela motive encore plus pour trouver des concerts : le disque est devenu une « carte de visite » de luxe.
C'est aussi pour cela qu'il y a des périodes de plus en plus longues entre chaque album pour les artistes dont les moyens de financement sont limités. Peut-être que tout cela va changer avec la dématérialisation, où le support physique ne sera plus indispensable au musicien pour être visible et légitime
auprès des programmateurs et des médias.
Cela dit, j'apprécie toujours les disques sous la forme "physique" car ils apportent un certains confort et une qualité d'écoute, pour l'archivage et la beauté de l'objet, et je me dis que ne dois pas être le seul...
###Ham'### > On comprend bien qu'il y a 2 équipes autour de toi ; pourquoi ? Comment gères-tu ?
Matt' >>> J’ai travaillé pendant deux ans avec une équipe fixe, puis des indisponibilités ponctuelles m’ont contraint à essayer d’autres combinaisons qui m'ont tout de suite plu.
Ensuite c’est l’aspect humain qui tient un rôle primordial, personnellement dans le cas de ce disque, j’ai décidé de faire participer Nicolas et Max à cette
aventure car non seulement j’apprécie ce qu’ils apportent à la musique mais j’ai également senti une motivation et un investissement sincères de leur part : comme je suis fidèle j'ai donc trouvé la solution de faire alterner les deux tandems guitar/sax qui ont chacun une forte maturité musicale et sont finalement complémentaires.
Pour cette séance-studio, j'avais réparti le répertoire entre ces deux équipes, sur deux journées, tout en prévoyant d'enregistrer certains morceaux avec les
deux, le choix des morceaux en "doublons" s'est ensuite fait en fonction de l'ambiance générale des morceaux, de l'équilibre et de la cohérence du disque.
###Ham'### > Toi, tu es de la race de ceux qui composent ; finalement, comment vient l'idée originale ? chez toi ? dans le métro ? la nuit ? et comment se fait la maturation de la mélodie, jusqu'à devenir un titre complet sur partition, à mettre sous les yeux de tes collègues ? Arrive-t-il que certains débuts de créations n'aboutissent jamais ?
Matt' >>> A l'exception de deux morceaux composés à la période de "Playground" (ndlr : le CD précédent), j'ai composé cet album sur une période de deux ans, pendant des séances de travail sans objectif particulier, seul, au piano, et quand j'avais peu de contraintes de temps (souvent au mois d'août quand tout tourne au ralenti).
J'utilise une idée de départ pour 3 ou 4 morceaux potentiels, et je passe de l'un à l'autre en y revenant chaque jour pendant plusieurs semaines.
Les morceaux en "chantier" se construisent en parallèle, prennent forme en parallèle et "l'affinage" se fait ensuite en répète et en concerts.
L'avantage de cette méthode est qu'elle apporte une cohérence entre les pièces (choix des tempos, tonalités etc..). Le désavantage est qu'elle nécessite beaucoup de temps.
Il arrive aussi parfois que je compose à partir d'une forme définie: à partir de la structure d'un morceau déjà existant sur lequel j'écris ma propre mélodie en essayant un peu de brouiller les pistes (dans ce cas c'est en général un peu plus rapide mais aussi plus difficile d'apporter sa touche personnelle).
Et puis il y a des idées que je note dans un cahier et qui n'aboutissent jamais ou que je ressors beaucoup plus tard…
###Ham'### > Sur disons les trois ans à venir, en tenant compte de ton parcours, de tes goûts, tes points faibles et forts, quel serait le résultat majeur que tu voudrais obtenir ? (en d'autres termes : où te vois-tu dans trois ans ?)
Matt' >>> Dans les périodes de sortie de disque, je ressens souvent une sorte d'euphorie où les idées se bousculent ; pour changer un peu, j'aimerais beaucoup enregistrer, un album dont le répertoire ne serait constitué que de reprises ou "covers" ou de variations sur des morceaux déjà existants, provenant aussi bien du jazz que du classique ou de la pop…
J'ai aussi pensé à un album live qui pourrait aussi être une suite logique à Playground et Upbeats.
Sinon j'aimerais bien développer une formule en trio, orgue/sax/batterie ou orgue/guit/batterie ou même reformer un trio piano/contrebasse/batterie (que j'avais initié il y a quelques années et pour lequel j'ai déjà un répertoire).
Il ne faut pas oublier que c'est le "live" qui est souvent moteur, autant pour nous les musiciens que pour le public. je pense que les concerts restent le meilleur moyen de découvrir une musique, un artiste, car il y a la dimension humaine (et sonore) impossible à retranscrire sur disque.
Je pense qu'un CD n'est que le résultat de ce qui se passe sur scène : c'est grâce au "live" qu'il y a des amateurs et du public, c'est grâce au public qu'il y
a des concerts, etc, etc…
Il faut sortir, être curieux, persévérer, tant pour le public que les musiciens, pour dépasser les idées reçues.
J'aimerais donc pouvoir présenter et développer ce projet un maximum sur scène, en multipliant les collaborations avec d'autres musiciens, car c'est finalement
l'endroit où nous prenons le plus de plaisir, et les concerts sont à la fois l'aboutissement de tout le travail en amont (travail de l'instrument, composition…) et
souvent le moteur de l'inspiration et de la motivation…
Et si j'y parviens, j'aimerais sortir le prochain disque dans trois ans maximum...
Anecdote :
A propos de l'enregistrement du morceau
kairos :
Nicolas développe un jeu très personnel avec sa voix que je voulais commencer à exploiter dans certains morceaux : c'est le cas dans Kairos qui est le seul morceau de l'album que nous avons enregistré sans l'avoir joué sur scène auparavant et sans structure définie : je pensais à un format court et une ambiance un peu spéciale.
Nous avons enregistrés trois ou quatre prises de 4/5', j'ai ensuite sélectionné le passage le plus intéressant et je l'ai envoyé à Nicolas (saxophoniste et chanteur, basé à Bruxelles) qui a enregistré les voix chez lui, et j'ai ensuite terminé le montage pendant le mixage.
Beaucoup de gens sont agréablement surpris en l'écoutant : une sorte d'interlude qui fait la transition entre les deux "line-up" (cf ci-dessus).
grande photo, de g. à dr. : Sandro Zerafa (g), Nicolas Kummert (ts), Matthieu Marthouret (o), Maxime Fougères (g), Manu Franchi (dms), David Prez (ts).
Le petit clip de promo/info de Upbeats est ici :
UPBEATS-EPK
Album en téléchargement sur Itunes
CD en téléachat FNAC et :
"Bends", l'un des titres du CD, interprété live en octobre 2011 :
(vidéoréal. : HammondandCo )
INCONTOURNABLE !
La soirée de lancement du CD / 6 avril :