Le mot de Ben Massy, organisateur :

J’avais planifié cette deuxième soirée pour mon anniversaire et, celle du mois septembre étant tombée à l'eau, j’ai profité d’une opportunité de l’organiser avec la participation du génie italien de l’orgue Hammond, Paolo Negri. Très rapidement, d’autres organistes nous ont rejoints pour vivre une soirée mémorable en compagnie d’artistes à la réputation bien établie et d’autres à découvrir : Dirk Van der Linden, Nick Puylaert, Cedric Malvetti, Simon Rigot, JJ Louis, Patrick Wante et bien d’autres encore.

L’objectif de la soirée : amis du HAMMOND, profitez de la musique, jouez tout votre saoul et faisons une fête d’enfer aux sons du HAMMOND… et c’est exactement ce qui s’est passé ! Une nuit de musique unique et fantastique jouée en grande partie sur ma collection d’anciens instruments de musique ; je restaure et collectionne les véritables instruments à roues phoniques datant de 1934 à 1960 en sus des meilleurs amplificateurs à tubes Fender d’origine.

Au plaisir de vous retrouver tous l’année prochaine !

Ben


Après le retentissant succès du Hammond Jazz Festival de Zottegem en 2009, une nouvelle soirée consacrée à l’instrument s’est déroulée cette fois à St Nicolas, petite ville située entre Anvers et Gand, en Belgique.

La Flandre serait-elle devenue le nouvel Eldorado de l’orgue Hammond... ? On peut le croire, au vu du nombre et de l’importance des manifestations qui s’y déroulent, sans parler des groupes et solistes utilisant l’orgue. Pas de doute, ici on adore cet instrument !

Le 20 juin dernier, Benjamin Massy organisait ce festival, en principe pour fêter son anniversaire qui a lieu en septembre… il explique lui-même les raisons de ce changement de date. Vous l’aurez compris à la lecture de son texte de présentation, Ben est un fanatique du Hammond et des instruments électro-acoustiques des années 1950 à 1980. Technicien en électronique, il entretient, répare, restaure les monstres sacrés d’un passé encore récent : orgues Hammond, cabines Leslie, amplificateurs Fender, Marshall, enceintes James B. Lansing et composants, etc...

La soirée qu’il a organisée présentait tous les aspects de cette passion au travers d’une grande partie de sa collection, notamment deux orgues Hammond de type CV modifiés par ses soins : l’un est un chop avec percussion TREK II datant de 1940, tandis que l’autre est un instrument complètement B3 par son aspect technique mais avec meuble BV, clavier BV et générateur BV de 1945. Aux dires de Dirk Van der Linden, le B3 dispose d’une sonorité magnifique et d’un clavier de grande qualité tandis que le CV chop se laisse moins facilement maîtriser. Bien évidemment, des cabines Leslie complétaient le dispositif sonore des engins avec, en plus, quelques particularités maison inspirées par de célèbres collègues.

Une tradition existe depuis fort longtemps aux Etats-Unis de modifier certains composants Hammond/Leslie pour les rendre plus performants : ces modifications sont en général conçues, développées et installées par des techniciens de l’instrument particulièrement compétents, dont le plus connu était Bill Beer, de la société Keyboard Products à Los Angeles.

Considérant que la Leslie était une invention géniale mais souffrant d’une qualité insuffisante de ses composants, Bill modifiait les cabines en conservant le meuble et les parties électromécaniques tout en remplaçant les amplificateurs à tubes par des amplis, parfois transistorisés mais à Soft Clipping et les haut-parleurs Jensen d’origine par des JBL… Je n’ai jamais eu l’occasion d’entendre ses réalisations, aussi le set up réalisé à St Nicolas par Ben était particulièrement intéressant à plusieurs égards, permettant notamment d’entendre enfin une de ces bêtes sur le vif.. !

L’un des orgues CV était raccordé au medium aigu de la Leslie 910, mais également à une monstrueuse cabine de basses équipées de HP JBL de 38 cm attaquée par un ampli Fender de 400 watts... ! L’autre CV plongeait dans une Leslie 760 toujours au travers d’un amplificateur à tubes Fender de 400 W mais cette fois sur le rotor de basses d’origine.

Côté guitare et basse électrique, on disposait d’amplificateurs Supertwin de Fender pour la guitare et d’une amplification Ampeg de 800 watts pour la basse. De quoi faire trembler l’immeuble sur ses bases, assurément !

Et la musique dans tout ça ? Comme noté plus haut et dans le message de Ben lui-même, le but était de présenter sa collection d’instruments joués par des musiciens modernes dans un répertoire d’époque, et pas seulement du jazz. Nous avons donc eu le privilège de (re)découvrir le caractère polyvalent du Hammond au travers de différents groupes et musiciens.

Kriminal Hammond Inferno ouvre le feu dès 20 heures avec notre ami Simon Rigot aux commandes du CV+760. Mise en scène soignée, petit scénario court et efficace, musique bien timbrée, KH convainc dans un répertoire aux accents résolument modernes mais fortement ancré dans la tradition du Hammond soul et funky, notamment Booker T, André Brasseur et Eumir Deodato (avec un détour par Richard Strauss). Envoûtant.


(firefox browser uniquement)

Viennent ensuite l’organiste italien Paolo Negri et le Link Quartet, composé de Paolo, d’un guitariste, d’un bassiste et d’un batteur. Manifestement, Paolo maîtrise parfaitement l’instrument y compris le pédalier qu’il utilise surtout en solo ou en duo avec batterie : côté répertoire, j’avoue être un peu resté sur ma faim, en dehors de Song for my Father joué l’après-midi lors de la balance : harmonies très simples, peu ou pas de motifs mélodiques, on a l’impression de voir tourner une belle machine , mais sans grande conviction. Un chanteur franco italien propose quelques succès de Nino Ferrer dans une indifférence polie, le micro HF vocal ne fait rien pour arranger les choses et l’homme finit par se retirer discrètement non sans avoir présenté individuellement les membres du Link Quartet.

Une petite pause permet à tout le monde de se désaltérer et de présenter l’officiant suivant, ô combien inhabituel et sortant des sentiers archi-battus : un jeune italien de 26 ans, Cedric Malvetti.

Avant de devenir un instrument de jazz, l’orgue Hammond était un instrument d’église et Cedric nous rappelle que son long processus de transformation est passé par l’étape d’orgue de théatre, ou de cinéma. Il était courant dans les années 1930 de jouer des intermèdes durant les entractes ou même d’accompagner des artistes pour un court numéro devant le rideau de l’écran avant la séance proprement dite. Plus tard, Ethel Smith s’est fait une spécialité d’interpréter des airs du répertoire populaire, dont le morceau d’anthologie Tico Tico qui, rappelons-le, s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires. Cedric renoue avec cette tradition en nous jouant quelques unes de ces pièces mais aussi sa version de Whiter Shade of Pale . Très joli succès, l’assistance est ravie de découvrir que l’Hammond peut aussi être délicat, discret et velouté…

Retour de Paolo Negri en duo avec le batteur Alberto dans un répertoire nettement plus jazzy... et ça marche beaucoup mieux qu’en quartet, la mise en place est parfaite, la créativité est au rendez-vous et ça swingue : très notable performance également au pédalier. Juste un détail irritant : le recours à des sonorités stridentes, rocailleuses, à la limite du grinçant. La gigantesque puissance acoustique résultant des haut-parleurs à haut rendement JBL couplés aux monstrueux amplificateurs Fender aurait suffi à soulever le toit de la maison avant l’apparition du moindre écrêtage : on en déduit qu’il s’agit d’un choix délibéré et on aimerait en connaître ne fût ce qu’une justification… Come on, Paolo, tell us… ! A part ça, c’est vraiment excellent et la soirée prend une orientation plus nettement jazzy à la satisfaction générale.


(firefox browser uniquement)

Après une nouvelle pause désaltérante, le public est bien chauffé pour accueillir le Boss incontesté de l’Hammond-jazz en Belgique : Dirk Van der Linden entouré de quelques uns de ses élèves venus lui donner la réplique. On entre immédiatement dans le vif du sujet avec un excellent Back at the chicken shack où Dirk joue en trio avec le jeune pianiste anversois Nick Puylaert et le batteur Patrick Wande. Nick a obtenu le diplôme du Conservatoire de jazz d’Anvers et il est vigoureusement sponsorisé par Ben Massy qui met un orgue à sa disposition et lui fait rencontrer des maîtres comme ce soir ; comme quoi la technique n’oblitère pas forcément l’amour de la musique, bravo Ben ! Vient ensuite un extraordinaire élève de Dirk, J.J. Louis qui s’installe au CV de gauche et met le feu à la salle avec une version de Moanin’ à décrocher les lustres ! Notez les basses dans le titanesque caisson JBL…


(firefox browser uniquement)

Encore un standard et, pour finir, un Misty de derrière les fagots : back in 1954 garanti.

Terminé pour les interprètes, mais par pour le public, qui s’attarde longuement au bar pour y discuter avec les musiciens, les amateurs, la plupart des gens semblent se connaître et l’ambiance est extrêmement chaleureuse, même plus qu’à Zottegem. J’ai l’occasion de discuter un peu avec Cedric, de boire un coup avec Dirk, et de féliciter la révélation de la soirée, J.J.Louis : voila vraiment un homme extraordinaire et je vous engage à ne pas manquer l’occasion de l’écouter, même au prix de quelques centaines de km en voiture. Son agenda est disponible sur Google (chercher JJLouis).

Quelques mots maintenant de la prise de son. La configuration du local et ses modes propres n’ont évidemment pas rendu l’affaire simple : en gros, 6 m de largeur sur 35 m de profondeur et une hauteur sous plafond n’excédant jamais 2,4 m. Ajoutez à cela la phénoménale puissance des instruments, le nombre de cabines et diffuseurs et un système de PA peu discret, il y a de quoi se blinder les oreilles !

Outre les instruments déjà cités, il était prévu d’accueillir également un harmoniciste et un piano Rhodes. Un empêchement de dernière minute a libéré les deux canaux que nous leur avions réservés et la configuration a finalement pu se résumer à ceci :

2KM184 coincidents leslie 910
1 KM 184 cabine de basse
2KM 184 coincidents Leslie 760 aigues
1KM 184 basses
1 CM6 Schoeps pour la basse électrique
3 KM184 batterie
1 Sennheiser MD21 pour le bass-drum
1 SM76 Shure pour la guitare
2 Shure SM58 étaient prévus pour les deux solistes absents et sont restés en réserve.

Les 6 canaux Hammond ont été injectés en direct sur l’enregistreur numérique 8 pistes Sound Devices en 24 bits tandis que les 6 de la batterie, guitare, basse étaient mixés sur la console et routés en stéréo sur les 2 derniers canaux. Les SM58 de réserve passaient également par la console pour aboutir à un Sony TCD10 Pro2. De cette façon, les 14 canaux utilisés se réduisent à 10 pistes séparées qui s’importent ensuite dans Samplitude 11 sur mon PC. Mixage et mastering réalisés avec amplification de puissance Krell KSA50 attaquant une paire de BW801.

Venant du classique, la distorsion a toujours fait figure de bête noire, monstre à éliminer à tout prix…et je dois dire que ce problème est quasi omniprésent avec les Hammond, vintage ou pas que je côtoie depuis quelques années… J’en ai même rencontré (accidentellement, je l’admets) sur une combinaison XK3/Leslie 3300.

Récemment encore, un B3/122 m’a causé des soucis en ce domaine et je m’étais dit qu’avec un expert comme Ben, la session allait se dérouler sur du velours. De fait, aucun problème lors de la balance de 17h, puis, le soir, apparition de sons stridents, distordus, très agressifs.

Compte tenu du contexte, une défaillance technique n’est envisageable ni dans la chaîne de reproduction des instruments ni dans celle de l’enregistrement (en 24 bits, la dynamique théorique est de 144 dB, les microphones Neumann supportent allègrement des pointes de 145 dB et nous aurions tous été sourds bien avant… !). Manifestement, il doit s’agir d’un choix « esthétique », si l’on peut dire…mais les commentaires à ce sujet seront les bienvenus si quelqu’un voulait bien éclairer ma lanterne.

Pour conclure sur une note hyper-positive, adressons nos félicitations et remerciements à Benjamin Massy pour l’opportunité qu’il nous a donnée d’écouter ses instruments de rêve dans des mains expertes. Il est déjà question de programmer une nouvelle mouture pour 2011 : c’est sûr, nous serons tous la . A l’année prochaine.